Informations pratiques
À propos
Présentation générale
La Conférence des délégué-e-s de la région de l'Afrique et des pays arabes (AFRECON) 2025 se tient dans un contexte de crises urgentes et entremêlées qui soulignent l’impérieuse nécessité de redéfinir les services publics comme pierre angulaire de la dignité humaine et des droits humains. L'Afrique et la région arabe sont confrontées à des défis systémiques façonnés par l’héritage colonial, les politiques économiques néo-libérales et la dégradation du climat.
Cette note conceptuelle fournit un cadre qui vise à donner un aperçu du thème de l'AFRECON, « Des services publics de qualité pour la dignité », en mettant en évidence les défis qui sous-tendent les nombreux défis auxquels sont confrontés les services publics dans la région de l'Afrique et des Pays arabes ; la conceptualisation de ce qu'implique la fourniture de services publics de qualité et respectueux de la dignité humaine ; les objectifs qui guident les orateurs.trices principaux.ales, les présentateurs.trices, les modérateurs.trices et les membres des panels ; l'approche méthodologique pour l'organisation des conférences, y compris la définition des questions principales et transversales.
Contexte
Les services publics sont l'épine dorsale d'une société juste et équitable. Ils permettent l'accès aux soins de santé, l'éducation, l'assainissement, la protection sociale et les infrastructures pour tous. Les services publics de qualité ne sont pas seulement une commodité. C’est un droit fondamental qui défend la dignité humaine, la justice sociale et le développement durable. Les participant.e.s à cette conférence, sous le thème « des services publics de qualité pour la dignité », auront à échanger sur le rôle crucial des services publics dans la création de sociétés dignes, tout en mettant en évidence l’importance et la pertinence du thème retenu.
Sur le plan politique, le recul démocratique, la corruption et la mauvaise gouvernance affectent plusieurs États de la région, entrainant le manque de confiance dans les institutions et limitant leur capacité à offrir les services dont les populations ont besoin d’urgence. Sur le plan économique, les régions restent piégées dans les économies d'extraction de matières premières, les sociétés multinationales et les institutions financières internationales (IFI), notamment le FMI, perpétuent la dépendance à travers le piège de la dette et des politiques d'austérité. Le ratio de la dette rapportée au PIB en Afrique subsaharienne a bondi à 57% en 2022 (Banque mondiale, 2023), ce qui a fait dévier les fonds des services publics vers les remboursements. Plus de 40% de la population en Afrique sub-saharienne vit en dessous du seuil de la pauvreté (PNUD, 2023), tandis que l'inégalité entre les hommes et les femmes reste profonde. Les femmes représentent 70% de la main-d'œuvre informelle en Afrique mais gagnent 30% moins que les hommes (OIT, 2022). Les réfugié.e.s, les personnes déplacées internes (PDI) et les jeunes font face à une exclusion systémique, exacerbée par la privatisation des soins de santé et de l'éducation, alors que seulement 17% des travailleurs.euses africain.e.s bénéficient d'une couverture de protection sociale (OIT, 2023). La catastrophe climatique intensifie les vulnérabilités. La région arabe se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale (GIEC, 2022), tandis que le cyclone Freddy (2023) a déplacé 500.000 personnes au Malawi et au Mozambique, accablant les cliniques dotées d’un médecin pour 10.000 personnes (OMS). De telles crises mettent à rude épreuve les services publics déjà sous-financés et cela exige des réponses urgentes et dignes de ce nom.
Cependant, les syndicats de la fonction publique ne restent pas les bras croisés. Que ce soit à travers leurs campagnes # Mettons fin à l’austérité en Afrique du Sud ou leurs grèves sur les soins de santé en Jordanie, les travailleurs.euses revendiquent leur droit à des services publics de qualité, disent non à sa marchandisation, tout en inspirant espoir et détermination face à ces défis.
Faire avancer la lutte dans un cadre de services publics de qualité et de dignité
- Accès et couverture universelle : les services publics doivent être universellement accessibles et offerts à tous.tes les citoyen.ne.s, indépendamment de leur statut socio-économique, genre, situation géographique ou origine démographique. Cette accessibilité suppose, entre autres, qu’il existe suffisamment d’infrastructures et de ressources pouvant garantir l’accès équitable aux soins de santé, à l'éducation et aux services de protection sociale.
- Financement public adéquat : des services publics durables et de qualité nécessitent, des investissements publics suffisants. Les gouvernements doivent s'engager dans des politiques fiscales progressives, éliminer l'évasion fiscale, les flux financiers illicites et augmenter leurs allocations budgétaires pour les services publics essentiels. La privatisation et le sous-financement des services publics dégradent la qualité et creusent les inégalités. Les mesures d'austérité, qui impliquent généralement de fortes réductions des dépenses publiques et des services sociaux, aggravent souvent les difficultés économiques pendant les crises financières, réduisent la demande, augmentent le chômage et affaiblissent les infrastructures publiques essentielles. Plutôt que de stabiliser l'économie, ils enracinent les inégalités et ralentissent la reprise. Cela doit être rejeté.
- Conditions de travail équitables pour les travailleurs.euses du secteur public : la dignité des services publics est intrinsèquement liée à la dignité des travailleurs.euses qui les fournissent. Des salaires équitables, la sécurité de l'emploi, des conditions de travail sûres et le respect des droits syndicaux sont essentiels pour permettre aux travailleurs.euses du secteur public d’offrir efficacement des services de qualité.
- Gouvernance démocratique et redevabilité : la bonne prestation des services publics exige que les structures de gouvernance et de transparence impliquent les travailleurs.euses, les communautés et la société civile dans leurs processus de prise de décisions. Les institutions de l'État, les syndicats et les organisations de la société civile doivent rendre les gouvernements responsables de l'adaptation des politiques de services publics aux besoins de la société.
- Résilience et durabilité climatiques : les services publics doivent être adaptés pour relever les défis du changement climatique. L'investissement dans les infrastructures durables, les énergies renouvelables et les mesures de réduction des risques de catastrophe sont nécessaire à la prestation des services à long terme.
- La dignité en tant que droit des travailleurs.euses et de la société :la dignité est la pierre angulaire des droits humains et de la justice sociale. Elle se manifeste par la capacité des individus et des communautés à accéder aux services essentiels sans discrimination, exploitation ou contrainte excessive. Le droit à la dignité dans les services publics s'étend à :
- La dignité des travailleurs.euses : les travailleurs.euses des services publics doivent être traité.e.s avec respect et rémunéré.e.s équitablement. Ils/Elles doivent jouir de conditions de travail sûres et saines et avoir le droit de se syndiquer et de négocier collectivement. Lorsque les gouvernements et les employeurs respectent les droits des travailleurs.euses, la prestation des services s'améliore et cela profite à la société.
- La dignité sociale :les services publics de qualité sont le fondement de la dignité sociale. Des soins de santé accessibles garantissent le bien-être des individus, l'éducation responsabilise les communautés et les systèmes de protection sociale empêchent la pauvreté et la marginalisation.
- La dignité économique : les services publics contribuent au développement économique inclusif, offrent des emplois, favorisent l'égalité entre les hommes et les femmes et réduisent les inégalités économiques. Lorsque les services publics sont sous-financés ou privatisés, les plus vulnérables souffrent de manière disproportionnée, aggravant ainsi les disparités économiques.
Les objectifs de la conférence
Les exposés introductifs, les panels de discussion, les ateliers et autres délibérations devraient contribuer à l’atteinte des objectifs ci-après :
- Élaborer un cadre fondé sur les droits pour un « service public de qualité » ancré dans la dignité, l'équité et l'intersectionnalité.
- Partager des stratégies pour lutter contre l'austérité, la privatisation et l'exclusion dans la prestation de services.
- Renforcer la solidarité entre les syndicats, la société civile et les gouvernements afin de résister à la mainmise des entreprises sur les services publics.
- Souligner l'importance de s'organiser pour renforcer notre pouvoir de riposte et garantir une vie digne grâce à des services publics de qualité.
- Insister sur la nécessité de mobiliser tous les groupes au sein du spectre syndical
- Élaborer des revendications politiques, s'engager dans les espaces politiques aux niveaux national, régional et mondial et mettre en place des stratégies pour exercer une influence.
Méthodologie et approches
Les échanges se dérouleront sous forme de présentations formelles, d’ateliers participatifs (pré-conférence et événements parallèles) et d'apprentissage par les pairs. Plus précisément, dans leurs exposés introductifs les expert.e.s devraient proposer des solutions systémiques. Puis suivront les panels de discussion et les questions/réponses. Des forums de discussion «débats en plateformes» et d'autres stratégies innovantes devraient être présentées au cours des ateliers afin d'assurer une meilleure participation du public.
Formulation des questions transversales
En posant les questions suivies de discussions l’on veillera à redéfinir le rôle des services publics comme moyen d’assurer la dignité, tout en gardant à l’esprit qu’en matière d’offre de services publics la dignité n'est pas négociable. Il s’agira également d’émettre des idées innovantes afin d’identifier des solutions visant à améliorer l'accès à des services publics de qualité, notamment en soulignant le fait que la digitalisation des services publics devrait améliorer la prestation, garantir les droits des travailleurs.euses sur leurs données et remettre les données publiques aux institutions publiques. Par ailleurs, les questions et les discussions devraient s'articuler autour d'actions de solidarité à travers des alliances pour faire progresser la lutte pour faire changer le système.
Toutes les sessions devraient faire ressortir une perspective d'économie politique féministe, aborder les principes de transition juste, la participation des jeunes travailleurs.euses, exiger des organisations régionales qu'elles rendent compte de leur rôle de prestataire de services publics de qualité, le fait que l'insécurité résultant des guerres, les emplois illégaux, etc. menacent l'accès à des services publics de qualité, sans oublier la ratification et l’intégration des conventions pertinentes de l'OIT dans les lois nationales, la paix et la sécurité.
Résultats attendus
- Une Déclaration de la conférence consacrant les engagements en faveur de services publics axés sur la dignité.
- Un Programme d'action régional, document de stratégie sur le travail politique sous-régional et la croissance des syndicats, y compris un programme d'éducation et de mentorat des jeunes travailleurs révisé et amélioré.
- Archivage de tous les documents de la conférence à rendre accessibles à tous.tes les participant.e.s après la conférence.
- Un message clair et un programme politique sur la manière dont la région entend travailler, notamment en renforçant diverses structures nationales, sous-régionales et régionales.
Conclusion
Nous espérons que, loin d’être un simple cadre de discussion, la conférence sera un véritable catalyseur de changement. Les échanges se focaliseront sur le service public pour la dignité. Ils permettront également de remettre en question l'économie extractive et de redéfinir le rôle de l'État, notamment en ce qui concerne l’emprise des grandes sociétés, en tant que garant des droits. Comme le dit le proverbe rwandais, « Agaciro kavandimwe » - la dignité se partage.